Actualités

Transport maritime durable : enjeux et innovations

Transport maritime durable : cap vers la décarbonation du commerce mondial

Le transport maritime durable représente aujourd’hui l’un des défis majeurs de la transition écologique mondiale. Face aux nouvelles exigences environnementales, cette industrie doit repenser fondamentalement ses pratiques pour réduire son empreinte carbone tout en maintenant sa fonction essentielle dans les échanges commerciaux internationaux.

Une industrie face à ses responsabilités environnementales

Le secteur maritime porte une responsabilité significative dans l’empreinte carbone mondiale. Les chiffres de 2022 révèlent que les transports maritimes internationaux génèrent environ 2 % des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie. Cette proportion, bien que modeste en apparence, représente un volume considérable dans le contexte des échanges commerciaux planétaires.

L’analyse historique du secteur dévoile une dépendance quasi-absolue aux énergies fossiles. Les combustibles pétroliers satisfont traditionnellement plus de 99 % des besoins énergétiques du transport maritime international. Cette situation contraste fortement avec l’adoption timide des alternatives : les biocarburants ne couvrent que moins de 0,5 % de la demande énergétique mondiale du secteur en 2022.

Cette réalité énergétique explique pourquoi la transition vers un transport maritime durable constitue un enjeu prioritaire. L’Organisation Maritime Internationale a d’ailleurs révisé ses ambitions, alignant désormais ses objectifs de réduction des émissions sur ceux établis par l’Accord de Paris.

L’engagement réglementaire : une stratégie ambitieuse

L’Organisation Maritime Internationale a franchi une étape décisive en 2023 avec l’adoption d’une stratégie révisée concernant la réduction des gaz à effet de serre provenant des navires. Cette nouvelle approche constitue un cadre structurant pour orienter le secteur vers un transport maritime durable authentiquement décarboné.

L’objectif principal fixe un cap ambitieux : atteindre zéro émission nette de GES provenant des transports maritimes internationaux d’ici ou vers 2050. Pour structurer cette démarche, la stratégie établit des jalons intermédiaires exigeants. D’ici 2030, le secteur devra réduire ses émissions d’au moins 20 %, avec une ambition portée à 30 %. L’échéance 2040 prévoit une diminution minimale de 70 %, avec un objectif fixé à 80 %, ces pourcentages étant calculés par rapport aux niveaux de 2008.

Parallèlement, l’amélioration de l’efficacité énergétique constitue un pilier central. La stratégie vise une réduction de l’intensité carbonique d’au moins 40 % d’ici 2030. Un défi particulièrement novateur concerne l’intégration de technologies et combustibles à émissions nulles ou quasi nulles, qui devront représenter au moins 5 % de l’énergie utilisée d’ici 2030, avec une visée de 10 %.

La mise en œuvre reposera sur des « mesures à moyen terme » combinant un volet technique - centré sur une norme relative aux combustibles marins - et un volet économique basé sur un mécanisme de tarification des émissions. L’adoption de ces mesures est programmée pour l’automne 2025, avec une entrée en vigueur prévue en 2027.

L’engagement des leaders industriels : CMA CGM en exemple

Le transport maritime durable ne repose pas uniquement sur les cadres réglementaires internationaux. Les acteurs privés, eux aussi, développent des stratégies volontaristes, CMA CGM illustrant bien cette dynamique d’engagement vers un transport maritime durable.

Le groupe français a établi une feuille de route particulièrement volontaire : diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % d’ici 2030 et de 80 % d’ici 2040, en prenant 2008 comme référence. Ces engagements s’inscrivent dans une vision globale visant la neutralité carbone d’ici 2050 pour l’ensemble de ses opérations.

Les données 2023 révèlent l’ampleur du défi : CMA CGM a rapporté des émissions totales approximatives de 39,7 millions de tonnes équivalent CO2, réparties entre les émissions directes, celles liées à l’énergie consommée et les autres émissions indirectes de sa chaîne de valeur. Cette transparence dans le reporting environnemental témoigne de l’engagement du groupe dans une démarche de transport maritime durable.

L’entreprise participe activement à plusieurs initiatives de durabilité reconnues internationalement, comme le Carbon Disclosure Project et le UN Global Compact (https://unglobalcompact.org/participation/report/cop/detail/481282). Cette approche proactive lui vaut un score de 54 sur l’indice DitchCarbon, performance qui dépasse la moyenne de l’industrie maritime.

La révolution technologique des carburants alternatifs

La transformation vers un transport maritime durable s’appuie largement sur le développement de carburants alternatifs aux combustibles fossiles conventionnels. Plusieurs filières émergent, chacune présentant des caractéristiques techniques et économiques spécifiques.

L’évolution des commandes navales illustre cette transition. A.P. Moller-Maersk, figure majeure du secteur, a annoncé des commandes significatives de porte-conteneurs fonctionnant au méthanol à double carburant. Cette initiative a inspiré d’autres géants comme CMA CGM, Cosco et Cargill, révélant l’engagement concret des armateurs vers un transport maritime durable.

Les perspectives européennes dessinent un paysage prometteur pour les carburants de synthèse. Les projections indiquent qu’approximativement 4 % du transport maritime européen pourrait fonctionner avec ces carburants innovants d’ici 2030. Le continent compte aujourd’hui un minimum de 17 projets dédiés exclusivement aux navires. Si ces initiatives atteignent leur pleine capacité opérationnelle, elles pourraient satisfaire la proportion visée.

Dans cette course technologique, l’ammoniac se profile comme la solution privilégiée pour le long terme, représentant 77 % des volumes potentiels dans les projets européens de carburants de synthèse. Cependant, des obstacles techniques substantiels persistent, notamment concernant les contraintes de stockage.

Néanmoins, des incertitudes planent sur cette dynamique. Environ deux tiers des projets européens de production de carburants de synthèse pour le secteur maritime risquent d’être remis en question, les fournisseurs hésitant à investir sans garanties suffisantes sur la demande future.

L’innovation financière au service de la transition

Au-delà des avancées technologiques, l’ingénierie financière se mobilise pour accélérer la transition vers un transport maritime durable. Le principal frein demeure la différence de coût prohibitive entre les carburants verts et fossiles, les premiers coûtant de 3 à 4 fois plus cher.

Face à ce défi économique, le World Shipping Council a conçu le Green Balance Mechanism, une approche novatrice permettant de combler l’écart tarifaire entre combustibles fossiles et verts, en minimisant les coûts globaux de transition.

Le mécanisme fonctionne selon un principe de péréquation : il applique une taxation sur les carburants fossiles puis redistribue ces fonds vers les carburants verts pour égaliser les coûts moyens. L’allocation financière est proportionnelle aux réductions d’émissions obtenues sur l’ensemble du cycle de vie du carburant. Cette approche stimule l’adoption des solutions les plus vertueuses tout en encourageant les investissements dans les technologies qui offrent les meilleures performances environnementales.

Défis et perspectives d’avenir

Malgré ces avancées encourageantes, la route vers un transport maritime durable demeure jalonnée d’obstacles. Le secteur fait face à un dilemme classique d’interdépendance : les producteurs d’e-carburants attendent des engagements fermes des armateurs avant d’investir massivement, tandis que ces derniers préfèrent attendre que les carburants alternatifs deviennent économiquement viables.

Cependant, les signaux positifs se multiplient. L’innovation technologique continue de progresser, avec plus de 200 projets pilotes et de démonstration concentrés sur les technologies de navires à émissions nulles.

Le transport maritime durable n’est plus une aspiration mais une nécessité impérieuse. Les technologies se développent, les engagements se concrétisent, et les premiers résultats tangibles émergent. Le succès de cette transformation déterminera non seulement l’avenir de l’industrie maritime, mais aussi sa contribution essentielle à la lutte mondiale contre le changement climatique.

Vous recherchez plus d'informations ?
Consultez notre FAQ